A la Comédie-Française, encore un mariage réussi avec Georges Feydeau pour un début de saison prometteur
Tout ça à cause d’une paire de bretelles oubliée dans un hôtel et renvoyée par colis : celle offerte par sa femme à M. Chandebise. Or c’est elle-même qui ouvre le paquet… Soupçonnant son époux d’infidélité, Raymonde demande à son amie Lucienne de lui tendre un piège en lui proposant un rendez-vous dans ce même hôtel du Minet-Galant ! Mais l’affaire ne saurait être aussi simple, Feydeau a plus d’un tour dans son sac à idées pour nourrir et ficeler une intrigue à multiples rebondissements. Ainsi Chandebise (mari fidèle contre toutes apparences) demande à son ami Tournel de se rendre à sa place au rendez-vous tandis que le mari de Lucienne reconnaît l’écriture de sa femme sur le billet. Comme toujours, Feydeau se joue des convenances, met à mal le garde-fou des apparences et sauve, globalement, la morale. Tout cela sans compter avec le rire, formidable machine à jouer actionnée par l’auteur avec un art consommé. Les personnages et leurs rapports sont rapidement identifiés, cernés, reste à mettre en place et accélérer la mécanique. En cela, l’auteur de vaudeville est maître et la Comédie-Française lui doit parmi ses plus grands succès. Cette fois-ci encore, avec la mise en scène de Lilo Baur qui emprunte le pas vif de l’écriture et se saisit des rebondissements.
Une troupe délirante
La scénographie de Andrew D Edwards, les costumes aux couleurs éclatantes d’Agnès Falque transportent l’action dans les années 50, dans un chalet et un hôtel de montagne, sur fond de paysage de neige. Pour porter ces imbroglios magnifiques et ces nœuds de quiproquos, Lilo Baur embraye la bonne vitesse et ne laisse rien sur le côté, ajoutant ici ou là un petit pas de danse, une pirouette. Tout est parfaitement maîtrisé, à l’image du texte, servi par une troupe au summum de sa forme. En époux jaloux qui veut « touiller » ses rivaux, Jérémy Lopez est irrésistible et se révèle un acrobate de la scène. Feydeau jouait beaucoup avec les défauts de prononciation, c’est Jean Chevalier qui parle ici sans prononcer les consonnes, autre tour de force impayable. Comme celui de Serge Bagdassarian, Chandebise mais également l’homme à tout faire de l’hôtel, Poche. Anna Cervinka, piquante, Pauline Clément, très drôle, sont les deux épouses ingénieuses, Cécile Brune et Thierry Hancisse, l’étonnant couple d’hôteliers, Alexandre Pavloff, le médecin agité, Sébastien Pouderoux, le bellâtre, Nicolas Lormeau, le serviteur sourcilleux, sans oublier Birane Ba, nouvellement entré dans la troupe. Cette Puce relookée communique un plaisir total.
La puce à l’oreille * * *
Comédie-Française, Place Colette, Paris 1er. Tél. 01 44 58 15 15. www.comedie-francaise.fr En alternance, jusqu’au 23 février 2020.
. La pièce sera retransmise en direct au cinéma le 17 octobre à 20 h 15. Diffusion dans plus de 200 cinémas partout en France. Rediffusions les 11 novembre à 17 h, 12 novembre à 20 h et 1er décembre à 17 h. Réservations sur pathelive.com
(photo Brigitte Enguerand, coll. Comédie-Française)