Pour sa première mise en scène à la Comédie-Française, Thomas Ostermeier fait de la comédie de Shakespeare un joyeux carnaval
« ou Tout ce que vous voulez » : ce n’est pas anodin si le titre de La Nuit des rois s’affiche dans son entier. Car dans la mise en scène de Thomas Ostermeier, il y a en effet « tout ce que vous voulez » et peut-être plus encore, tout ce que veulent les comédiens-français. Composée pour être jouée pendant le temps du carnaval, La Nuit des rois brasse les genres de la comédie, les niveaux de langue et joue sur les travestissements. Sur le plateau de la salle Richelieu, deux singes (formidables), quand ils ne s’assoient pas dans un fauteuil, se promènent au milieu de palmiers en carton-pâte posés sur du sable. Nous sommes sur l’île d’Illyrie. Rescapée d’un naufrage dans lequel a disparu son frère jumeau, Viola (magnifique Georgia Scalliet) prend les habits d’un jeune homme et, devenue Cesario, entre au service du duc Orsino. Celui-ci l’envoie en messager auprès de la troublante Olivia (Adeline d’Hermy), qu’il désire épouser. Avec ses airs de fille sous son habit de garçon, Cesario suscite le trouble. Dans la belle traduction d’Olivier Cadiot, Malvolio la décrit ainsi : « C’est la graine avant la tige, le pépin avant la pomme ».
Tous en slip !
Pour doper la comédie et perturber l’intrigue amoureuse, Shakespeare y introduit de joyeux bouffons éméchés. Ici, la farce shakespearienne fait des clins d’œil à l’actualité politique, sans doute sujets à des remises à jour selon la fantaisie des comédiens… « Nous sommes exactement comme nous sommes faits ». Est-ce pour cela que les comédiens jouent en slip, cuisses à l’air, même portant l’épée, et les femmes, en boxer, sous des tenues transparentes ? Christophe Montenez, lui, look Iggy Pop, ne porte une combinaison que pour mieux l’ouvrir et exhiber ses fesses. Succès garanti quand il arpente la passerelle au-dessus du public dans un mini show musical débridé au côté de Sir Toby (Laurent Stocker, inspiré) et Feste (Stéphane Varupenne, également musicien). Ces moments de pure folie alternent avec d’autres suintant de douce mélancolie en compagnie d’Orsino (Denis Podalydès, très fin), ou des intermèdes chantés par un contre-ténor. Pour finir, chacun retrouvera son identité, mais le trouble demeurera. A trop jouer avec le genre…
La Nuit des rois ou Tout ce que vous voulez * * *
Comédie-Française, Place Colette, Paris 1er. Tél. 01 44 58 15 15. www.comedie-francaise.fr En alternance. Jusqu’au 28 février.
. Pathé Live diffusera le spectacle en direct dans plus de 300 salles de cinéma en France et à l’étranger le jeudi 14 février 2019 à 20 h 15. Reprises au cinéma les 3, 4 et 5 mars.