La grande marée

Au Théâtre de la Bastille, Simon Gauchet embarque pour une expédition dans des territoires imaginaires

Ils sont cinq, allongés sur une toile plastique recouvrant le plateau. « Le monde s’est renversé, et nous sommes là. » En fond sonore, des voix diverses racontent des bribes de rêves, ceux de spectateurs faits les nuits suivant leur venue au théâtre et déposés sur un répondeur mis à leur disposition. Comme sortis d’un sommeil peuplé de songes lointains, les comédiens se lèvent pour aller écrire sur le mur du fond, à l’aide d’une éponge mouillée, le message suivant : « Essaye de te souvenir ou, à défaut, invente ». Voué à l’effacement (tout un symbole), ce mantra va être le fil conducteur du spectacle imaginé par Simon Gauchet. Un spectacle placé sous le signe de l’onirisme et de l’esprit d’aventure, à commencer par les voyages intérieurs. Aux cinq interprètes maintenant de raconter leurs rêves avant d’en venir à l’évocation du célèbre mythe de l’Atlantide et, partant, d’imaginer une expédition improbable et utopique.

Entre aventure géographique et périple initiatique

Partant d’un entretien de la journaliste Brigitte Salino avec l’anthropologue allemand Dietmar Kamper, Simon Gauchet, l’auteur Martin Mongin et leurs interprètes sont allés à la découverte des lieux portant les traces d’un passé lointain et touchés par la question de l’engloutissement. Pour Gaël Baron, Yann Boudaud, Rémi Fortin, Cléa Laizé et Ludovic Perché, restituer ces explorations sur scène ne relève pas d’une mission impossible. Ils tirent les cordages, ajustent les sacs de lestage, font se lever les voiles, descendent au tréfonds des grottes marines à la découverte de peintures rupestres, vont plonger au large de l’île de Santorin à la recherche des restes de l’Atlantide. A chacun de trouver son Atlantide intérieure, ses sédiments enfouis. La scénographie d’Olivier Brichet et Simon Gauchet s’appuie sur des toiles peintes ayant servi de décors d’opéra et sur leurs plis et replis faisant surgir des histoires en cascade, comme celle imaginée par Cléa Laizé sur l’opéra Mireille, un joli moment de théâtre sur la force de l’imaginaire, et du théâtre.

La grande marée                             * * *

Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette, Paris 11e. Tél. 01 43 57 42 14. www.theatre-bastille.com Jusqu’au 24 novembre. TU Nantes, du 28 novembre au 1er décembre. La Passerelle, Saint-Brieuc, 13 et 14 décembre, Mont Saint-Michel 16 mai 2024, Le Tangram, Evreux-Louviers, 18 mai.

(photo Louise Quignon)