Galin Stoev fait souffler un vent violent sur la pièce de Marivaux. Au Théâtre de la Porte Saint-Martin jusqu’au 24 décembre.
En 2011 déjà, le Bulgare Galin Stoev, aujourd’hui directeur du CDN de Toulouse, avait mis en scène une pièce de Marivaux Le jeu de l’amour et du hasard, à la Comédie-Française. Dans cette nouvelle rencontre avec le célèbre auteur de comédies, il accuse sa vision incisive des relations de pouvoir et des rapports de force entre les sexes. Ici, Silvia, une jeune paysanne, a été enlevée par « le » Prince, son maître, qui voulant se l’approprier, met tout en oeuvre pour briser la relation amoureuse qui unit la jeune fille à Arlequin, un garçon du village. De manigances en manipulations, aidé par les intermédiaires Trivelin et Flaminia, intéressée dans l’affaire, le prince arrivera-t-il à ses fins ? Les plus forts n’étant pas toujours ceux que l’on croit… Enfermée dans un endroit retiré (une rotonde au milieu d’un paysage bucolique, création originale du scénographe Alban Ho Van), séparée de celui qu’elle aime, Silvia se retrouve au centre d’un jeu cruel qu’elle ne soupçonne pas. Telle une souris de laboratoire tournant en rond, observée par une batterie d’instruments de surveillance visuelle et sonore, elle et Arlequin sont l’enjeu des désirs des uns et des autres.
Un prédateur de l’époque
La comédie de Marivaux date de 1723 mais la perversité sous-jacente n’a pas d’âge. La vision de la pièce par Galien Stoev exacerbe la violence sociale doublée de la violence sexuelle, qui met en scène le prince comme un prédateur fondant sur sa proie aidé par des sous-fifres pervers, les grands perdants étant la vérité des sentiments amoureux. La férocité du jeu étant sans cesse alimentée et renouvelée par les stratégies mises en œuvre. A ce jeu du mensonge et de la vérité, les comédiens redoublent en intensité, à commencer par Mélodie Richard, constamment sur le fil, Maud Gripon, Thibaut Prigent et Clémentine Verdier, dans un jeu des corps libre et expressif.
La double inconstance * *
Théâtre de la Porte Saint-Martin, 18 bd Saint-Martin, Paris 10e. Tél. 01 42 08 00 32. www.PorteStMartin.com Jusqu’au 24 décembre.
(Photo Liebig)