Créée lors du dernier Festival d’Avignon, la pièce de Tiago Rodrigues entame une tournée européenne
Le comédien, Adama Diop, est sur scène, il range un disque dans sa pochette. « Ici, ça va bien. Merci. » Planté sur un plateau tournant où s’étale un tronc d’arbre mort, il est ce père qui entame une communication avec sa fille, réduite au seul appel puisqu’ils ne peuvent échanger en direct. « Pourquoi ? » La question revient, obsédante. Pourquoi est-elle partie ? Si loin ? Sa fille, qu’il a élevée seul après la mort de sa femme… Pourquoi ? Plus tard, on comprend que cette destination est Mars. Elle est, symboliquement et concrètement, « sur une autre planète ». Tiago Rodrigues situe son texte en 2077, quand des humains ont choisi de fuir la planète Terre. Il est question d’effondrements qui rythment les périodes, on attend « le quatrième effondrement ». Désormais, Amina fait partie de ceux à qui on ôte la mémoire, les « oubliants ». Le plateau tourne, on la découvre en tenue blanche anonyme, devant un bonsaï sous cloche : « Je vais bien », dit-elle.
Une scénographie planétaire
Mais de quelle distance s’agit-il ? Plus que de distance physique, d’éloignement, c’est le fossé générationnel, émotionnel, qui occupe l’auteur et metteur en scène. La communication entre le père et la fille était grippée, en panne. Au fil des échanges, le plateau tourne, se concentre sur l’un, puis l’autre, des intervenants. Le système de manège est en adéquation totale avec le texte, sa vitesse s’accélérant quand monte la tension des échanges et qu’un bourdonnement se fait entendre, de plus en plus fort, transportant alors dans un autre univers (création sonore de Pedro Costa). Pourtant, « c’est la distance qui nous rapproche » dit le père. En effet, la proximité ne serait pas impossible, mais le point de rupture est là. La séparation est consommée, chacun reste sur sa planète, à lui celle du passé, à elle celle d’un avenir à inventer. Une réflexion profonde, douce et amère, sur l’impossible transmission et le deuil, portée par l’interprétation intense d’Adama Diop et Alison Dechamps.
La Distance * * *
Théâtre 71, Malakoff, 5 octobre. Tournée : Anvers (Belgique) 10-11 octobre, Strasbourg, 15-17 octobre, Naples, 22-24, Clermont-Ferrand, 5-7 novembre, Vidy-Lausanne, 13-23, MC 2 Grenoble, 26-27, Equinoxe, Châteauroux, 4 décembre, Madrid, 15-18 janvier 2026, Barcelone, 21-25, Dunkerque, 29-30, Le Havre, 3-4 février, Athènes, 7-10 mai, Milan, 15-16, Grasse, 21-22, Istres, 27-28, Aix-en-Provence, 2-3 juin.
(photo Christophe Raynaud de Lage)