Aux Bouffes du Nord, un chant à deux voix pour dire le temps qui passe
Ils arrivent ensemble sur la scène, entament le récit à deux voix d’une soirée douce et banale qui aurait pu se terminer tragiquement. Car au milieu de la nuit, alors qu’ils s’étaient endormis devant un film, la jeune femme, incapable de respirer, a cru sa dernière heure arrivée. Course contre la montre pour arriver à l’hôpital, puis l’épreuve de la salle d’attente pour lui, les appareils de réanimation pour elle, les deux voix alors se séparent… Mais la vie sera la plus forte, le couple rentrera à la maison et reprendra la vie comme avant, à deux voix, le film interrompu, puisque « on a le temps ». Comme un refrain, le leitmotiv revient, avec ses corollaires. Puisque on a le temps, on ne fait pas tout ce que l’on devrait faire : se dire que l’on s’aime, se dire comment changer de vie ou comment on veut être enterré…
Le temps d’une vie
L’autre leitmotiv du récit : « et les années passent ». Ce thème du temps imprègne profondément le texte de Tiago Rodrigues, concentré en un court moment (moins d’une heure) d’une densité palpable. Il s’agit de la première pièce, écrite en 2007, de l’auteur et metteur en scène portugais (directeur du Festival d’Avignon) dont il a enrichi le texte pour cette nouvelle mise en scène avec David Geselson et Alma Palacios. Les deux comédiens, comme deux siamois, disent en parallèle la répétition des jours, la communion des aspirations, l’entente intime, l’harmonie intrinsèque. Lorsque l’un meurt, on ne sait plus lequel, puisque l’absent est si présent qu’un seul d’entre eux suffit. L’interprétation est d’une justesse et d’une délicatesse extrêmes, dans la lignée de l’écriture. Ne perdant jamais le fil, de concert ou chacun dans son récit. Deux voix pour une même histoire. Le temps de la représentation, donner à sentir le quotidien qui compose le temps d’un amour et d’une vie, c’est assez subjuguant.
Chœur des amants * * *
Bouffes du Nord, 37 bis, bd de la Chapelle, Paris 10e. Tél. 01 46 07 34 50. www.bouffesdunord.com Du 7 au 11 novembre. La représentation du 9 novembre sera adaptée en langue des signes française (LSF) par des comédiens signants.
(Photo Filipe Ferreira)