Au Théâtre 14, reprise du texte de Beckett dans une interprétation saisissante de Denis Lavant.
C’est un texte écrit pour être lu, et non pour être dit, l’un des derniers de Samuel Beckett : Cap au pire. Ecrit en anglais, publié en 1983, il n’a été traduit qu’en 1991, après la mort de l’écrivain irlandais. Le titre indique la direction : le pire, la fin. Jacques Osinski fait de ce texte aride la matière d’une représentation qui relève de la performance, exécutée par un comédien et passeur de texte hors pair, Denis Lavant. Debout, immobile, bras le long du corps, il se tient. Et immobile, il restera. Pieds nus, tête penchée en direction du sol, vers un carré de lumière comme au bord d’un précipice. Celui de la page blanche, celui de la mort aussi. L’écriture est aride, dense, au scalpel : « Encore. Dire encore. Soit dit encore. Tant mal que pis encore. Jusqu’à plus mèche encore. » Une mèche, qui revient au fil des pages. La vie ? « Essayer encore. Rater encore. Rater mieux ». L’exercice est radical, hypnotique, de haut vol. Sculpture habitée, vivante, le comédien ne fait aucun geste, demeure figé, seul son regard change, sa tête bouge imperceptiblement, des sensations émergent. Par les inflexions de sa voix, hautement maîtrisée, par le mouvement de l’écriture, il s’enfonce dans cette caverne mystérieuse des mots, fait rebondir l’écriture de Beckett. L’aventure peut paraître ardue, il faut se laisser guider par la voix de Denis Lavant, suivre ce voyage intérieur. L’expérience est fascinante, unique.
(lejdd.fr 1er décembre 2017)
Cap au pire * * *
Théâtre 14, 20 av. Marc Sangnier, Paris 14e. Tél. 01 45 45 49 77. theatre14.mapado.com Jusqu’au 19 octobre.