Dans la salle rénovée du Théâtre de la Ville, Ivo van Hove transpose à la scène l’univers de Bergman
Douze ans après sa création en néerlandais avec sa troupe du Toneelgroep Amsterdam, Ivo an Hove reprend son diptyque bergmanien avec des comédiens français : Après la répétition (1984) suivi de Persona (1966), deux œuvres, présentées dans l’ordre inverse de leur création, sur le rôle et la place de l’art dans la société et aussi ses limites. Servi par sa grande maitrise de la scène et une direction d’acteurs serrée, son spectacle frappe fort. A commencer par Après la répétition, où Henrik Vogler, la cinquantaine, en plein travail sur sa mise en scène du Songe, de Strindberg, est interrompu par une jeune comédienne, Anna, en mal de reconnaissance et doutant de sa vocation. Entre conseils de jeu et tentatives de séduction, les relations sont nerveuses, exaspérées, comme elles le seront lors de l’apparition (réelle ou fantomatique) d’une ancienne maitresse, actrice « vieillissante » tombée dans la dépression et l’alcool. Force est de reconnaître que l’homme n’a pas le beau rôle dans cette première partie.
Théâtre et réalité
Dans la seconde, il est quasiment absent. Dans une clinique psychiatrique, une grande actrice se retrouve recroquevillée, nue, sur une table d’autopsie. Devenue muette au cours d’une représentation d’Electre, elle a quitté brusquement la scène. L’image est saisissante, théâtrale et picturale. Pour la sortir de cet état, la directrice décide de l’envoyer dans une villa au bord de la mer avec une infirmière. La transformation soudaine de l’espace conçu par Jan Versweyveld (abattement des cloisons, apparition de l’eau) est spectaculaire. Ce sera alors le duo étonnant de deux femmes dont les identités se fracturent et vacillent. Un basculement fantastiquement troublant. Hormis, dans cette seconde partie, l’étonnante scénographie, tout repose sur l’interprétation hautement tendue : Emmanuelle Bercot, stupéfiante d’intensité et de présence, Charles Berling, déchiré, entre questionnements et hésitations, Justine Bachelet, troublante et singulière, et Elizabeth Mazev, sobre et juste. Rien de nouveau dans ce théâtre bergmanien, certes, ni dans les démonstrations esthétiques de van Hove, mais la force de l’intime y éclate, intacte, et bouleversante.
Après la répétition/Persona * * *
Théâtre de la Ville – Sarah Bernhardt, 2 place du Châtelet, Paris 4e. Tél. 01 42 74 22 77. www.theatredelaville-paris.com Jusqu’au 24 novembre. Tournée : Points communs, Cergy-Pontoise, 6-7 décembre, La Filature, Mulhouse, 22-23 mars, MC2, Grenoble, 11-12 avril, Le Volcan, Le Havre, 16-17 mai.
(photo Vincent Berenger)