A l’Odéon, une remarquable mise en scène de la tragédie de Racine par Stéphane Braunschweig
Après Britannicus à la Comédie-Française en 2016 et Iphigénie aux Ateliers Berthier en 2020, le directeur de l’Odéon retrouve Racine avec Andromaque, écrite en 1667, alors que son auteur n’avait que vingt-huit ans. La grande tragédie de la passion amoureuse, avec sa chaine d’amours impossibles, est ici remise par Stéphane Braunschweig dans son contexte de l’après-guerre de Troie. Les combattants sont en état de choc. Comment vivre après le traumatisme de la perte pour les uns, comment faire avec la victoire, pour les autres ? Pour les victimes, comme pour tous les participants au conflit, impossible d’oublier le poids des morts, les violences, les sacrifices, le sang versé. Il est là, présent sur le plateau, dans cette grande flaque rouge imaginée par le scénographe et metteur en scène et que vont fouler les héros antiques : Pyrrhus, qui tient le sort d’Andromaque et de son fils entre ses mains, Oreste, qui aime Hermione, laquelle aime Pyrrhus, qui aime Andromaque et qu’il veut épouser. La vision est saisissante, jouant du contraste du rouge et des couleurs noires des costumes, puis du blanc nacré de la robe d’Andromaque.
Force et épure de la mise en scène
Chacun se détache clairement, comme surgissant d’un tableau, rehaussant du même coup l’éternelle splendeur des alexandrins dans une belle fluidité des dictions et dans une proximité rendue possible par l’emploi des micros, même si parfois en léger décalage. Dès les premières scènes s’installe une tension dont le rythme ne faiblira pas, donnant à la tragédie l’intensité d’un sombre thriller politique. Que va-t-il advenir de toutes ces violences retenues, de ces passions contrariées comme de ces désirs de vengeance ? Moins guerrières, les femmes ne sont pas moins ardentes et déterminées. L’interprétation est rigoureuse. Alexandre Pallu impose un Pyrrhus chef de guerre contemporain puissant et tourmenté, Bénédicte Cerutti est une Andromaque sensible et digne aux blessures contenues tandis que Chloé Réjon incarne Hermione avec une rage et une fureur impérieuses, forte face à Pierric Plathier, Oreste meurtri et désespéré. L’austère beauté des images et l’ineffable perfection des vers raciniens s’accordent mystérieusement. C’est très fort, et magnifique.
Andromaque * * * *
Odéon, Théâtre de l’Europe, place de l’Odéon, Paris 6e. Tél. 01 44 85 40 40. www.theatre-odeon.eu Jusqu’au 22 décembre. Tournée : Bordeaux, du 16 au 19 janvier 2024, Lorient, 1er et 2 février, Genève, 8 au 14 février.
(photo Simon Gosselin)