Roland Auzet met en scène l’adaptation par Pascale Ferran du poème document de Luo Ying Un retour sur les années sanglantes de la Révolution culturelle
L’identité européenne était au cœur de son précédent spectacle, Nous l’Europe, Banquet des peuples, d’après le texte de Laurent Gaudé. La nouvelle création de Roland Auzet se tourne vers un autre continent : la Chine, et le grand basculement historique qu’a été la Révolution culturelle (1966-1975), la séduction qu’elle a exercée sur la jeunesse et les violences qu’elle a engendrées. Une tragédie aujourd’hui niée mais que l’on ne peut feindre d’oublier. L’ancien garde rouge Luo Ying témoigne dans Le gène du garde rouge –Souvenirs de la Révolution culturelle (adapté par Pascale Ferran). Un garde rouge poète ? On s’interroge. Poète et homme d’affaires, qui plus est. Roland Auzet est allé y voir de plus près et a rencontré Luo Ying, avec qui il a mené ce spectacle ambitieux et foisonnant. Pour Luo Ying, « il est nécessaire que la Chine purge totalement sa mémoire de son histoire pour que la société progresse. » A commencer par se « débarrasser de la détestable Révolution culturelle » qui a donné naissance « à un modèle social qui équivaut pour certains à une descente aux enfers ». Les témoignages de cette époque sont rares, le sien est précieux. En parallèle à l’exercice de mémoire du poète, Auzet propose la confrontation avec d’autres parcours, mêlant les nationalités et les générations.
Drapeaux rouges et dazibao
Le spectacle va se dérouler à la manière d’une enquête, sur le mode d’un work in progress, entre les mains d’un metteur en scène français souhaitant monter une pièce sur la Révolution culturelle, avec de jeunes chinois. Sur le plateau, les discussions font rage, les esprits s’agitent, le petit livre rouge du président Mao passe de main en main. Bientôt, la révolution est en marche, les drapeaux rouges flottent, sur les murs s’affichent les dazibao. Le personnage du poète est présent par visio via le réseau social chinois Wechat, et témoigne de ses convictions tandis que des récits de vie se télescopent sur la scène. Au côté de Yann Collette, Thibault Vinçon et Hayet Darwich, les comédiens sont chinois ou taïwanais, certains bilingues, les histoires se confondent avec la réalité… Metteur en scène mais également compositeur, Roland Auzet signe la partie musicale, en compagnie de Victor Pavel et du groupe de rock alternatif iNA-iCH. Elle est interprétée sur scène par Kim-Thuy Nguyen Clair, à la voix renversante, et Aurélien Clair comme une sorte d’opéra rock. Un impressionnant travail de scénographie, de lumière, de son et de vidéo au service d’un spectacle total, foisonnant, riche, qui interroge et résonne.
(spectacle vu au TQI le 7 octobre)
Adieu la mélancolie * * *
Théâtre de La Croix-Rousse, Lyon,19-21 octobre, MC2 Grenoble, 8-9 novembre, Théâtre Olympia Tours, 16-19 novembre, La Criée, Marseille, 24-26 novembre, Le Grand R, La Roche-sur-Yon, 30 novembre-1er décembre, Châteauvallon-Liberté, Toulon, 7-8 décembre.
(Photo Christophe Raynaud de Lage)