A la Scala, une mise en scène très enlevée de la pièce de Beaumarchais avec Philippe Torreton
Un roulement de tambour ouvre la représentation et donne le « la » : c’est bien tambour battant qu’elle sera menée, jusqu’au « ça ira » final, annonciateur des bouleversements à venir. Créée par la Comédie-Française en 1784, après plusieurs interdictions, la pièce de Beaumarchais dresse un tableau de la société de l’époque, avec la domination de classes, la corruption de la justice, le rôle des femmes réduit à l’aliénation et au seul plaisir… Elle fait oeuvre, sous des dehors légers, de dénonciation sociale. Mais ce qui l’emporte et court tout au long de la comédie, c’est bien le désir, à l’image de Chérubin, feu follet agitateur des sentiments. Le jeune page désire la Comtesse tandis que le Comte fait des avances à Suzanne, laquelle doit épouser Figaro, poursuivi par Marceline… Tous les personnages se courent après, littéralement, dans la mise en scène alerte de Léna Bréban, qui insuffle un rythme endiablé à la comédie. Et même si l’on en connaît tous les détours, elle apparaît ici plus vive et nerveuse dans sa version allégée, ragaillardie par une interprétation trépidante.
Une distribution audacieuse
Des éléments de décor déplacés à vue (portes mobiles, toile de Jouy, petite fenêtre,…) laissent le champ libre à l’évocation d’une chambre, d’un salon, plus tard d’un jardin, et autorisent toutes les fantaisies aux interprètes, à commencer par Antoine Prud’homme de la Boussinière, étonnant Chérubin à la silhouette longiligne. Les interprètes sont au diapason : Marie Vialle, Suzanne aux mille ruses, Grétel Delattre, fine Comtesse, Grégoire Oestermann, élégant Comte, Annie Mercier, puissante Marceline, Jean-Jacques Moreau, roué Bartholo,… Le texte résonne de sa modernité intacte, et nul besoin d’en appuyer le côté féministe, il est entre les lignes. Porté par Philippe Torreton qui connaît son Figaro sur le bout du cœur, le célèbre monologue de l’acte V touche son auditoire quand il fait entendre son lot de résistance : « Ne pouvant avilir l’esprit, on se venge en le maltraitant » ou encore, pour le Beaumarchais journaliste : « il n’y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits ». Tout était dit, et rien de changé.
La Folle journée ou le Mariage de Figaro * * *
La Scala, 13 bd de Strasbourg, Paris 10e. Tél. 01 40 03 44 30. www.lascala-paris.com Jusqu’au 4 janvier 2026.
(photo Ambre Reynaud)