Une maison de poupée

Une vision puissante de l’héroïne d’Ibsen par la marionnettiste norvégienne Yngvild Aspeli

Tout est parti, raconte-t-elle, d’un oiseau venu se cogner contre sa fenêtre. De là à penser à Nora, l’héroïne de Maison de poupée, de Henrik Ibsen, il faut avoir une âme d’artiste profondément ancrée comme Yngvild Aspeli, marionnettiste et metteure en scène inspirée. Dans la pièce, Helmer, le mari de Nora, n’appelle-t-il pas sa femme, « mon petit oiseau », « mon alouette » ? Portée par une vision forte, la pièce est déconstruite et réécrite par la jeune norvégienne qui place en introduction une scène de la pièce plus tardive révélant le secret de Nora. Rien de gratuit, encore moins de coquet dans cette initiative qui éclaire la personnalité de l’héroïne et les enjeux à venir. Cette intelligence du texte, cette intuition sous-tendent en permanence la mise en scène. Conçue comme une boite, la scénographie de François Gauthier-Lafaye dévoile un intérieur bourgeois de l’époque fin XIXe siècle. Les personnages ont la forme de marionnettes à taille humaine, que va animer leur créatrice, Yngvild Aspeli, laquelle joue Nora. Au troisième acte, Viktor Lukaswski la rejoindra, dans le rôle du mari.

La comédienne et les marionnettes

Avec sa compagnie Plexus Solaire, Yngvild Aspeli aime associer, mêler les expressions artistiques. Cette fois-ci, comédienne au milieu de personnages réduits à l’état de pantins, elle interroge le théâtre même. Toujours en scène, prêtant sa voix aux différents protagonistes, par sa double présence, l’actrice marionnettiste donne une chambre d’écho à la perception du sous-texte et questionne la psychologie des personnages, immobiles et/ou manipulés. Ainsi ce texte écrit en 1879, parmi les plus joués et connus du répertoire, résonne-t-il ici  avec une acuité et une violence inédites. Son héroïne, apparue longtemps comme une figure du féminisme avant l’heure, peu à peu assaillie de visions cauchemardesques (des araignées de plus en plus grandes) va traverser ses zones d’ombre au cours d’une tarentelle libératrice. De la conception et la réalisation des marionnettes au travail de lumière, de son et de musique, Yngvild Aspeli, associée à Paola Rizza, signe avec ce dernier spectacle une création en tous points admirable.

Une maison de poupée       * * * *

TGP, 59 bd Jules-Guesde, 93 207 Saint-Denis. Tél. 01 48 13 70 00. www.theatregerardphilipe.com Jusqu’au 16 octobre. Au Théâtre du Rond-Point, du 23 janvier au 2 février 2025. Spectacle en anglais surtitré en français.