Truffaut Correspondance

Au Lucernaire, David Nathanson dit des extraits de la correspondance de François Truffaut

Cela va faire quarante ans que François Truffaut a disparu. A cette occasion, David Nathanson reprend le spectacle qu’il avait créé en 2022, à partir de la correspondance du cinéaste, grand épistolier. Des notes de piano, jouées par Pierre Courriol (en alternance avec Antoine Ouvrard (auteur de la musique du spectacle), accompagnent le moment mis en sène par Judith d’Aleazzo et David Nathanson dans une atmosphère d’intimité et de proximité. Sur le plateau de la petite salle du Paradis, une table, un fauteuil, et des exemplaires des Cahiers du cinéma de la grande époque, auxquels collaborait Truffaut, pour qui  «les films ressemblent aux gens qui les font. » Le choix des lettres ne vise pas l’évocation exhaustive du réalisateur mais en laisse percevoir la personnalité. Sans rechercher un quelconque mimétisme avec celui-ci, l’interprète dit certaines lettres, parmi les plus emblématiques, avec un engagement sincère. De discrètes projections rythment le montage des textes, qui ne suit aucune chronologie, mêle les temporalités, ne mentionne aucune date pas plus qu’il n’indique les destinataires, que l’on devine.

Un style épistolaire brillant

Le florilège brasse les courriers amicaux, familiaux, professionnels ou politiques, dans un assemblage en forme de puzzle qui, au final, dessine le portrait vivant, juste et fidèle d’un homme dont la réussite n’a jamais effacé les blessures de l’enfance. On sent là l’admiration (pour Simenon), la reconnaissance (pour André Bazin, qui l’avait aidé dans sa jeunesse), ou bien le rejet, voire le mépris, injuste, pour certains cinéastes comme René Clément. Si la vie privée du cinéaste n’a pas sa place parmi ces extraits, hormis une tendre correspondance adressée à ses filles depuis les Etats-Unis, son engagement politique surgit dans une lettre adressée en 1970 au Président de la Cour de sureté de l’Etat au sujet des arrestations des vendeurs de La Cause du peuple. Et les quelques « coups de gueule », dont celui exprimé dans la célèbre lettre de 1973 adressée à Jean-Luc Godard, témoignent de son exigence, de sa radicalité. Quel que soit l’objet de la missive, la plume est toujours alerte, le style sûr, les formules habiles, l’humour mordant. Les films ? On les découvre en filigrane, ou dans les notes de musique, indissociables de leur auteur.  

Truffaut Correspondance       * *

Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs, Paris 6e Tél. 01 45 44 57 34. www.lucernaire.fr Jusqu’au 10 novembre.

(photo Luca Lomazzi)