Au Théâtre de la Ville, Emmanuel Demarcy-Mota plonge la troupe dans un univers de sortilèges nocturnes
Des années après Peine d’amour perdue, le directeur du Théâtre de la Ville revient, pour sa première grande création avec la troupe sur la scène du théâtre rénové, à Shakespeare. C’était en 1998, la pièce était traduite par François Regnault, dont on découvre ici la nouvelle traduction du Songe d’une nuit d’été. D’où ce petit « coup de jeune », ces expressions d’aujourd’hui, cette fluidité entre prose et vers, réalisme et surnaturel. La scène se passe à Athènes où se prépare le mariage de la reine Thésée (au roi, Demarcy-Mota a préféré un personnage féminin) mais très vite, Shakespeare articule l’action autour de trois groupes de personnages : les amoureux contrariés, les artisans athéniens choisis pour jouer une pièce, et enfin les fées et les elfes, sous l’autorité de Obéron et Titania. Ce seront eux les maîtres du jeu. Tout au long de la pièce, ces trois univers se rencontrent et c’est tout ce qui fait la singularité de cette comédie. Mélange du pouvoir, du prosaïque et du merveilleux. Bienvenue au pays de l’illusion, aux mystérieux pouvoirs de la nature et du rêve, aux désirs inconscients, et aux métamorphoses.
Une scénographie spectaculaire
Ainsi Titania s’envole-t-elle dans les airs comme elle peut surgir des entrailles de la terre, ainsi s’amourache-t-elle soudain d’un âne… La scénographie de Natacha Le Guen de Kerneizon et Emmanuel Demarcy-Motta, les lumières de Christophe Lemaire plongent dans la nuit d’un univers onirique. De l’immersion dans cette forêt profonde, où les arbres sont en mouvement, chacun ressortira changé. La tonalité de la mise en scène n’est pas à la légèreté foutraque, ou encore à la gaîté insouciante, elle résonne par endroits d’une insidieuse gravité. La troupe est à l’unisson dans cette aventure, Gérald Maillet est un Bottom de choix, jouant l’âne dans une scène d’amour, puis le mur dans l’irrésistible Pyrame et Thisbé, Sabrina Ouazani (Hermia) et Jackee Toto (Lysandre), Elodie Bouchez (Héléna) et Jauris Casanova (Démétrius) incarnent les deux couples pris au piège des sortilèges amoureux tandis que reviennent à Valérie Dashwood et Philippe Demarle les rôles de Titania et Obéron. Quant à Puck, il est démultiplié par trois pour rendre la volatilité et l’agileté du malicieux lutin. Puisque, dans ce songe shakespearien, tout devient possible.
Le Songe d’une nuit d’été * * *
Théâtre de la Ville-Sarah Bernhardt, 2 place du Châtelet, Paris 4e. Tél. 01 42 74 22 77. www.theatredelaville-paris.com Jusqu’au 10 février.
(photo Nadège Le Lezec)