Au Théâtre 13, Benjamin Tholozan à la recherche de l’accent perdu
Seul en scène, il l’est, Benjamin Tholozan, mais invite volontiers la compagnie, c’est-à-dire le public venu assister à son spectacle, à partager un verre, préparé à sa façon, en l’occurrence un pastaga (attention, il n’y en a pas pour tout le monde !). La couleur est donnée : on est dans le Sud. Et de décliner les variantes de la boisson, bien connues de tous : le 102, à la Gainsbourg, version dure, un perroquet, une tomate, une mauresque, version populaire. Une mise en bouche avant d’entrer dans le vif du sujet, à savoir la recherche de l’accent perdu. Pourquoi cette prévalence du parler « sans accent », cette domination culturelle bien installée ? Voici que s’affiche la photo de son grand-père, mort en 2021, que le comédien prend à témoin. Pour lui, il va ressusciter son accent méridional, cette langue occitane à la musique ensoleillée, et redonner vie à son parler d’origine. Et d’entonner une chanson avec Brice Ormain, musicien et auteur-compositeur, et… breton.
De détour en détour
Loin d’une leçon professorale, le spectacle, co-écrit et mis en scène par Hélène François, remonte pourtant aux origines de la langue française, et à ses différents patois éradiqués afin d’installer une langue unique, celle du pouvoir et de la politique. Du catharisme au pape Innocent III et à la croisade des Albigeois jusqu’à l’ordonnance de Villers-Cotterêts, le texte balaye des pans d’histoire de France et de sa langue. Le récit fait des détours, les souvenirs personnels remontent et s’invitent sur le plateau grâce à la scénographie mobile d’Aurélie Lemaignen : le Sud est là, avec sa cuisine, son théâtre incendié, ses taureaux,… Le comédien redonne leur accent à tous ses personnages, jusqu’à faire entendre Louis XIV, zozotant dans un parler québécois hilarant, faisant ainsi une démonstration de ses multiples talents. Jusqu’à cet émouvant Se canto, que canto entonnés avec une bel engagement par un Méridional et un Breton, langue d’oil et langue d’oc mêlées.
Parler pointu * *
Théâtre 13/Glacière, 103 A bd Auguste Blanqui, Paris 13e. Tél. 01 45 88 62 22. www.theatre13.com Jusqu’au 15 décembre. Tournée : Forum Jacques Prévert, Caros, 2 février 2024, La Garance, Cavaillon, du 7 au 11 février, Scène nationale d’Albi, du 22 mars au 6 avril.
(photo Marie Charbonnier)