Aux Ateliers Berthier, Aurore Fattier met en scène une variation contemporaine sur le personnage d’Henrik Ibsen
Metteure en scène, Laure travaille sur la pièce d’Ibsen et creuse l’identité de Hedda Gabler, femme « sauvage » dont le suicide ne finit pas d’intriguer. Pourquoi ce choix ? Répondant à une interview par téléphone, Laure s’en explique : avec ce personnage, elle « veut rendre hommage aux femmes réduites au silence par les hommes, par leurs milieux, à toutes ces femmes dont la créativité a été étouffée dans les velours des salons bourgeois. » Pour autant, la pièce de Sébastien Monfè et Mira Goldwicht ne se réduit pas à son féminisme. Au fur et à mesure que la vie personnelle de Laure interfère dans son travail de mise en scène et la parasite, elle explore les méandres de la création par le prisme de la confrontation du personnage de Laure avec celui d’Ibsen. Car la vie de Laure comporte ses parts de mystère. Les auteurs les introduisent peu à peu, instillant un climat inquiétant et laissant sourdre des dangers : ainsi ce personnage s’invitant abruptement dans les coulisses, ou encore le père de Laure, musicien ténébreux en mal d’inspiration.
Du théâtre dans le théâtre
Ici, les coulisses sont sur le devant de la scène avec, sur le côté, la préparation dans les loges. Au-dessus, on peut voir sur un écran vidéo la pièce en train d’être répétée : les comédiens vont et viennent, suivis, observés par la caméra de Vincent Pinckaers, dans l’espace scénographique de Marc Lainé autorisant une remarquable fluidité. Le texte égrène les quelques jours précédant la première représentation. La tension monte, soulignée par la lancinante composition musicale de Maxence Vandevelde. Enfin la scène théâtrale se rapproche, occupe tout le plateau, mais le réel s’y infiltre toujours. Ce va-et-vient constant entre le travail de la répétition et la vie des interprètes, ces infiltrations permanentes, imprègnent le plateau, interrogent et passionnent. Le passage de la scène en plan large aux cadrages resserrés sur les visages des comédiens installe une intimité avec ce théâtre dans le théâtre troublant. La mise en scène à la fois subtile et précise d’Aurore Fattier, l’interprétation rigoureuse et intense des excellents comédiens (Maud Wyler, Yoann Blanc, Carlo Brandt, Delphine Bibet, Annah Schaeffer,…) sont de bout en bout captivantes.
Hedda * * *
Odéon – Théâtre de l’Europe, Ateliers Berthier, 1 rue André Suares, Paris 17e. Tél. 01 44 85 40 40. www.theatre-odeon.eu Jusqu’au 9 juin. Tournée : 28 et 29 juin, Mars, Mons arts de la scène, 13 et 14 décembre, Comédie de Reims.
(Photo Claire Bodson)