Au Monfort, derniers soirs pour applaudir la pièce de Martin Legros par la compagnie La Cohue
Le titre fait directement référence à un film mythique de John Cassavetes, Une femme sous influence, avec Gena Rowlands. Et justement, dans la première scène, il est question, à l’occasion d’un jeu entre Anna et Mathias, d’un autre grand succès du cinéaste américain : Opening Night. Référence anecdotique, peut-être, mais la manière, le fond et l’écriture de la pièce de Martin Legros rappellent l’univers hyper émotif et électrisant de Cassavetes. Ici, sur la scène du Monfort, un couple dont la maison est en passe de changer de propriétaire. Il y a là donc, au milieu d’un bric-à-brac, un salon envahi de confettis avec un lustre élégant et un piano devenu muet et, mais on ne la verra pas, une chambre d’enfant vide depuis la mort accidentelle de la petite fille du couple. Mathias et Anna, déguisés, rentrent du carnaval. Lui, enfermé dans sa douleur, se force à jouer tandis que elle, Anna, dans une fausse gaîté, s’agite, perd ses mots, dit et fait n’importe quoi… Ainsi, ce soir de carnaval, et veille de la signature de la vente, elle a invité les futurs acquéreurs à venir boire un verre, sans en avertir Mathias. La situation est bizarre, tendue, la soirée peut déraper.
Un personnage féminin magnifique
L’écriture syncopée du texte suit les états d’esprit de Anna, qui parle fort, d’un ton saccadé et nerveux, trop vite, et dont on se demande à chaque instant si elle n’est pas en train de sombrer dans la folie. Personnage féminin magnifique et déchirant, qui « fait » avec ses failles et ses fragilités. Constamment sur le fil, entre entrain forcé et fantaisie tragique, elle vacille à vue face à Mathias, et aux invités d’un soir : Claire, encline à la compassion et Lukas, installé dans ses certitudes. Sophie Lebrun, qui signe la mise en scène avec Martin Legros, créatrice de la compagnie La Cohue (déjà applaudie dans Orphelins et le solo Anna-Fatima,) interprète Anna avec une sensibilité frémissante de chaque instant. Ses partenaires ne sont pas en reste : Martin Legros, Ines Camesella et Baptiste Legros. L’écriture et l’interprétation vont de pair, parfaitement maitrisées, accompagnées par un cinquième partenaire : la batterie, qui attaque le spectacle et revient structurer le récit, accompagner les moments de bascule dans un équilibre parfaitement tenu.
Une pièce sous influence * * *
Le Monfort Théâtre, 106 rue Brancion, Paris 15e. Tél. 01 56 08 33 88. www.lemonfort.fr Jusqu’au 31 mars.
(Photo Virginie Meigné)