La pièce de Noémie Ksicova évoque la disparition d’un adolescent et le rapport au deuil d’une famille
C’est une scène de fête. Rudy, un adolescent d’aujourd’hui, allure décontractée, est à table, avec sa famille. Il s’adresse au public et présente chacun. C’est son anniversaire, 17 ans. L’ambiance est joyeuse. Il parle de sa vie, raconte le lycée, la classe de terminale, et puis ce jour où il a quitté le cours d’anglais et s’en est allé à la gare, et se jeter sous un train… Première rupture de ton dans le texte de Noémie Ksicova qui va s’attacher, non pas à rechercher les raisons de son geste, mais à explorer le choc et la répercussion chez chacun de la disparition de Rudy. Comment continuer à vivre après la mort d’un enfant, d’un frère ? Comment accepter, et faire avec l’absence ? Car le temps s’est arrêté dans la famille Guyomard, les parents, la sœur de Rudy sont comme tétanisés. La vie n’est plus là, chacun est en mode mécanique, vidé. Un jour, la petite amie de Rudy sonne à la porte. Pour la famille, c’est comme le retour du fils.
Ombres et lumières
Selon l’auteure, ce ne sont pas les morts qui ont besoin des vivants, mais les vivants qui ont besoin des morts pour continuer à vivre. En creusant la réaction de ceux qui restent, elle met à jour le rapport au deuil, le refus, la reconstruction possible. Tout en délicatesse et subtilité, sans recours à aucun effet, sa mise en scène épouse les sentiments, les fragilités de chacun. De temps à autre, passe le fantôme de Rudy. Dans un rythme vif, un habile travail d’éclairage, le spectacle alterne les temps du passé et du présent, la présence et l’absence. Sans aucune pesanteur, avec une simplicité et une évidence qui touchent en profondeur. L’interprétation juste et sensible de Anne Cantineau, Antoine Mathieu, les parents, Théo Oliveira Machado, Lumir Brabant, et Juliette Launay, les adolescents, est en adéquation totale avec l’humanité du propos.
(spectacle vu au festival Off d’Avignon 2021)
Loss * * *
Théâtre de la Ville – Les Abbesses, 31 rue des Abbesses, Paris 18e. Tél. 01 42 74 22 77. www.theatredelaville-paris.com Du 22 mars au 1er avril.
(Photo Simon Gosselin)