Le Théâtre des Amandiers de Nanterre présente à la MC 93 de Bobigny, la mise en scène par Jean Bellorini de la pièce de Nicolaï Erdman
Après une première approche du texte lorsqu’il était à l’école Claude Mathieu, Jean Bellorini avait monté la pièce il y a sept ans avec le Berliner Ensemble et l’a recréée dernièrement au TNP de Villeurbanne, qu’il dirige. Ecrite en 1928, pendant la période stalinienne, la pièce de Nicolaï Erdman (1900-1970) a longtemps connu la censure. Rien de moins surprenant. « A l’époque où nous sommes, ce qu’un vivant peut penser, seul un mort peut le dire » dit Erdman dans sa pièce. Elle a pour un héros un pauvre hère, chômeur de son état qui ne mange pas à sa faim et qui, une nuit, après s’être disputé avec sa femme, menace de se tuer et disparaît, sans son pantalon… Quoi ? Un suicide en vue ? Et tous de courir après le malheureux, sa femme pour l’empêcher de se tuer, et une flopée de personnages décidés à « récupérer » l’acte du suicidé à leur profit : une certaine intelligentsia, mais aussi un religieux, un commerçant, ou encore une défenderesse du romantisme, chacun voulant que « le défunt verse son eau à notre moulin ». Encore faut-il que le suicidé soit bien mort… et Simione Sémionovitch n’est pas passé à l’acte. Plus encore, il reprend goût à la vie. A partir de là, la comédie satirique prend l’allure d’un vaudeville, avec son cortège de personnages caricaturaux.
Une farce de bout en bout
D’emblée, la mise en scène installe la pièce de plain-pied dans la farce, en appuyant la petitesse des personnages, leur mesquinerie et leur ridicule. Le cauchemar, ici, ne dévie pas du mode comique, tendance grotesque, réduisant du coup le propos, la profondeur du texte et ne laissant pas toute sa place à l’absurde. Car la comédie est plus subtile, et complexe. Mais le parti pris a sa logique et il ne dévie pas. La mise en scène est vive, habile, entraîne les personnages en une folle poursuite à la Labiche, agrège de la musique, jouée en direct, des chants entonnés par les comédiens, des facéties. Sont projetées, à mi-course, une lettre de Boulgakov demandant à Staline de mettre fin à l’exil de l’auteur puis, à la fin, une vidéo du rappeur russe Ivan Petunin annonçant son suicide pour ne pas aller faire la guerre en Ukraine. Hormis ces inutiles rappels du tragique russe actuel, le spectacle est monochrome et reste à la surface d’une comédie à la mécanique certes brillante, énergiquement défendue par François Deblock, antihéros pétri de contradictions, et l’ensemble de la troupe.
Le suicidé * *
MC 93, 9 bd Lénine, 93000 Bobigny. Tél. 01 41 60 72 72. www.mc93.com Jusqu’au 18 février. Tournée : La Rochelle, 1er et 2 mars, Compiègne, 9 mars, Marseille, 16 au 18 mars, Amiens, 12 et 13 avril, Budapest (Hongrie) 13 juin.
(Photo J. Parisot)