Au Poche Montparnasse, Patrick Sommier compose un spectacle intimiste à partir de nouvelles de Tchekhov
Patrick Sommier connaît bien le théâtre russe pour avoir travaillé avec Lev Dodine (qu’il a fait découvrir à la MC 93 lorsqu’il en était le directeur) à Saint-Pétersbourg, Anatoli Vassiliev et Oleg Efremov à Moscou, et d’autres encore. Cette connaissance et cet amour de la Russie, on les retrouve dans son adaptation et sa mise en scène de cinq nouvelles de Tchekhov et une de son ami Ivan Bounine, de dix ans son cadet, exilé en France en 1920. Traduites avec Michel Parfenov, elles offrent une galerie de personnages de l’époque : bourgeois, fonctionnaires, moujiks et propriétaires terriens. « Notre vie est provinciale, nos villes n’ont pas de rues pavées, les campagnes sont pauvres, le peuple est usé… Dans notre jeunesse, nous gazouillons follement, et puis vers la quarantaine nous devenons de véritables vieillards obnubilés par la mort… » écrit Tchekhov. Un jour en été, titre inspiré d’un tableau de Isaac Lévitan, peintre paysagiste d’origine juive lituanienne et ami proche de Tchekhov et Bounine, respire la Russie des dernières années du XXe siècle, celle d’après le servage et d’avant la révolution.
Un trio d’interprètes inspirés
Extraites du Journal de Pétersbourg (1885), Les Egarés conte le retour nocturne de deux amis éméchés dans la datcha de l’un d’eux, En terre étrangère, une dispute entre un précepteur français et son employeur, tandis que dans La Sirène, un employé du tribunal passe en revue les multiples richesses de la gastronomie russe. Ce sont des portraits vivement croqués mais profondément observés où chacun a son épaisseur. Tirée de La pensée russe, La maison à mezzanine : récit d’un peintre est davantage romantique, sentimental, et Le fruit du péché (Les éclats) plus cynique. Les allées sombres de Ivan Bounine clôt le moment sur une note mélancolique : tout passe mais tout ne s’oublie pas. Une mise en scène et un décor minimalistes -quelques meubles déplacés ça et là par les comédiens en toute fluidité-, les lumières, le son rendent palpable l’atmosphère de ces petites sociétés russes de l’époque. C’est un moment de théâtre délicat, intime et sensible, remarquablement interprété par Hervé Briaux, Laurent Manzoni et Christiane Millet, comédiens virtuoses et profonds en totale harmonie, accordant à chaque personnage sa singularité. Du grand art de la simplicité.
Un jour en été * * *
Théâtre de Poche Montparnasse, 75 bd du Montparnasse, Pari 6e. Tél. 01 45 44 50 21. www.theatredepoche-montparnasse.com
(Photo Alejandro Guerrero)