Sur la scène comme sur un ring, Clotilde Hesme boxe la prose d’Emmanuelle Bernheim
Elle s’appelle Lise et ne sait pas, quand elle va un soir au cinéma voir le dernier film de Sylvester Stallone, Rocky III, que sa vie va en être changée. Dès cette vision, Lise n’est plus la même, elle décide de reprendre son destin en main, à l’instar de Rocky, et change de vie. Ecrite en 2003, la nouvelle d’Emmanuelle Bernheim raconte le bouleversement que peut provoquer la vision d’une œuvre. In the eye of the tiger dans la tête, désormais Lise n’est plus seule, elle court et mène sa vie à coups de poing. Adaptée par le cinéaste et metteur en scène Fabien Gorgeart, le texte devient le récit fulgurant d’une irrésistible pulsion de vie, dans le sillage d’un personnage de fiction. Pour l’interpréter, Clotilde Hesme, elle, n’est pas seule sur scène. A ses côtés, le musicien Pascal Sangla l’accompagne à la table de mixage et intervient parfois dans le récit. Leur duo met en relief les différentes tonalités de l’écriture.
Un film peut-il changer une vie ?
Ce spectacle court et haletant est mené comme une succession de rounds par la sensible et délicate Clotilde Hesme. Plantée derrière son micro, simplement vêtue d’un jeans et d’un corsage féminin, les poings serrés, la comédienne est, comme à chacune de ses interprétations, infiniment juste et percutante. Elle est Lise qui s’identifie à Rocky et, boostée, découvre l’urgence de vivre et danse comme elle court après le temps qu’il lui reste. Un sursaut vital pour une existence en sursis, au rythme de ses battements de cœur. Lumineuse, la comédienne exprime la pulsion de vie contenue à la fois dans le personnage de Rocky et dans le style concis de l’écriture de Bernheim. Son incarnation délicate et profonde, sa diction précise impulsent une tension irrésistible, soutenue par le mythique In the eye of the tiger et les rythmes de Pascal Sangla. Passionnant hommage à l’influence de l’art, fût-il populaire, sur nos destinées, le spectacle se reçoit comme un souffle d’émotion, un bloc de vie. Un moment de grâce profonde.
(Spectacle vu au 104)
Stallone * * *
Théâtre du Petit Saint-Martin, 17 rue René Boulanger, Paris 10e. Tél. 01 42 08 00 32. www.PetitStMartin.com Jusqu’au 26 février. Des représentations sont accessibles au spectateurs sourds ou malentendants, aveugles ou malvoyants les jeudis et samedis à partir du 13 janvier.
(Photo Huma Rosentalski)