Après Avignon et une tournée dans le sud de la France, Philippe Caubère est au Théâtre de l’Oeuvre en compagnie de Daudet
Philippe Caubère endosse le paletot d’Alphonse Daudet et s’approprie les Lettres de mon moulin comme s’il les avait lui-même imaginées. Et on y croit. Quand il entre sur scène dans un habit d’autrefois, il est cet écrivain d’avant l’année 1900, Alphonse Daudet, qui vient d’acquérir un moulin en Provence, inspirateur de nombreuses de ses Lettres. Le comédien a choisi parmi les plus connues, celles qui font écho dans les mémoires : La mule du Pape, Les deux auberges, Les trois messes basses, L’élixir du révérend père Gaucher,… Et l’on retrouve, et redécouvre avec bonheur le style de Daudet, la richesse et les couleurs de son écriture, et la profondeur de ses caractères, le doux rappel d’un vivre ensemble d’autrefois. La galerie de portraits de La diligence de Beaucaire est un mets de choix pour le comédien mais celle que tout le monde attend est bien sûr la célèbre Chèvre de monsieur Seguin. On est dans le clos, dans la montagne, avec le loup, avec la mort… Caubère ne force pas sur la truculence, ni sur l’accent, accomplit une performance de conteur à travers la forêt de mots ressurgis de l’oubli : outils, petits métiers, accessoires…
Le monde de la Provence de Daudet, ses accents
Réparties sur deux spectacles, Caubère joue treize histoires où il est à la fois le narrateur mais aussi, bien sûr, les multiples protagonistes des histoires : la mule, l’aubergiste mélancolique, le curé, la chèvre, jusqu’au bon Dieu… il faut l’entendre faire revivre ce petit monde comme s’il l’avait inventé, surgi de sa propre plume, au même titre que son Roman d’un acteur. Dans un naturel étonnant, les contes semblent sortis de son imagination, dans un naturel étonnant. Il s’approprie tout, texte, personnages, humeurs, senteurs, paysages. Ses talents de mime intacts, son implication entière, sa diction précise sont réunis pour recréer un univers intemporel, pétri d’humanité. Il amuse (La mule du Pape, Le curé de Cucugnan), fait sourire (Les trois messes basses), émeut (Les deux auberges) tour à tour et tout à la fois. Comme dans ses spectacles, il dessine et donne vie à chaque personnage, jusqu’au « genêt d’or qui sent bon », avec une précision magnifique, enrichie de tout son métier de comédien. Le spectacle ramène à l’enfance, mais pas seulement, il ramène à la langue, à la poésie (magnifique hommage à Frédéric Mistral à travers son Calendal, en langue provençale), et à la Provence. Un spectacle riche de merveilles.
Les Lettres de mon moulin * * *
Théâtre de l’Oeuvre, 55 rue de Clichy, Paris 9e. Tél. 01 44 53 88 88. www.theatredeloeuvre.com Jusqu’au 8 janvier.
(Photo Sébastien Marchal)