Stéphane Braunschweig signe une fascinante mise en scène de la pièce d’Arne Lygre
Heureuse rencontre entre un auteur contemporain et un metteur en scène. Pour la quatrième fois, le directeur de l’Odéon met en scène l’auteur norvégien Arne Lygre et c’est peu dire que cela lui réussit. Après Je disparais, Tage Unter et Rien de moi, Stéphane Braunschweig a traduit (avec Astrid Schenka) et met en scène Nous pour un moment, passionnante et envoûtante pièce. D’une subtilité saisissante, sa scénographie se fond dans le texte dont l’écriture et la construction procèdent par glissements des relations, des personnages, des rôles, en totale complicité avec une œuvre qui « semble épouser la précarité et l’incertitude de nos vies ». Comment montrer cela ? C’est tout d’abord deux femmes –« une amie », « une personne »- installées sur des chaises métalliques, les pieds dans l’eau. Où l’on découvre que la « personne » peut être une amie, et l’amie éprouver de la haine depuis que l’autre est devenue sa rivale. Un homme arrive, « une connaissance ». La scène s’ouvre sur un bassin plus large, les séquences vont s’enchaîner, comme autant d’instants de vie. On est au bord de la mer, une femme va suivre un inconnu…
Une ronde des relations humaines
Le fil de la vie court de solitude en solitude. Les personnages passent d’un rôle à l’autre, d’un sexe à l’autre, indiquent des actions (« dis-je », « je te serre », « je pense »,…), s’entendent parler. Ils forment comme une ronde des relations humaines où chacun peut être tour à tour, selon les moments, l’ennemi, l’inconnu, l’ami. Comme des pions se déplaçant sur un échiquier, chacun pouvant être perçu comme un besoin pour échapper à la solitude, ou comme une menace, ou les deux. Rien d’obscur dans la forme. En étroite connivence avec le texte, la mise en scène accompagne ces passages d’un personnage à l’autre, d’une situation à l’autre, les éléments de décor évoluent sur le plan d’eau, le parti pris de fluidité s’attachant à la ligne de l’écriture, simple, claire, resserrée sur le strict nécessaire. L’intérêt sans cesse en éveil, stimulé par les bascules des rôles, l’intensité ne faiblit pas, doublée d’une tension, d’une angoisse sourde jusqu’à la séquence finale, forte, dérangeante. Anne Cantineau, Virginie Colemyn, Cécile Coustillac, Glenn Marausse, Pierric Plathier, Chloé Réjon, Jean-Philippe Vidal, tous les interprètes sont au diapason qui incarnent et traversent chacun de leurs personnages.
Nous pour un moment * * * *
Odéon-Théâtre de l’Europe, Ateliers Berthier, 1 rue André Suarès, Paris 17e. Tél. 01 44 85 40 40. www.theatre-odeon.eu Jusqu’au 14 décembre. Au Théâtre National de Strasbourg, du 22 au 30 janvier 2020.
(Photo Elizabeth Carecchio)