Clément Hervieu-Léger met en scène l’ultime pièce de Jean-Luc Lagarce.
Dans Les idoles, joué précédemment à l’Odéon, il était là sur le plateau, ressuscité par Christophe Honoré : Jean-Luc Lagarce, auteur dramatique trop tôt disparu (en 1995), entouré d’autres fantômes des années sida. Et voici sur cette même scène que se joue maintenant une de ses pièces, l’ultime, achevée une semaine avant sa mort. Il y aborde un thème récurrent dans son œuvre : le retour du fils dans sa famille pour annoncer sa mort (Juste la fin du monde, J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne,…). C’est l’histoire de ce voyage, celui d’un jeune homme à la rencontre de son passé. Il va mourir et parce qu’on « ne peut pas mourir en laissant tant de choses incomprises derrière soi », il revient parmi les siens, dans la maison qu’il a quittée, fuyant « cette ville-là ». Il veut dire sa mort prochaine, « l’annoncer moi-même, pouvoir là encore décider, me donner l’illusion d’être responsable de moi-même. » Il est venu avec un ami, mais l’accompagnent en pensée ses proches, sa famille d’élection. Il passe sa vie en revue, voulant l’organiser comme il l’imagine, avec le recul. Des photos seront sorties d’une boîte, qui seront épinglées en un tableau, comme le miroir d’une vie.
La mélancolique musique de la vie
Le décor évoque une aire d’autoroute, un lieu improbable propice aux rencontres entre deux mondes, entre les deux familles, entre présent et passé, où vivants et morts sont rassemblés. Tous les personnages s’invitent autour de Louis, l’entourent. C’est fort et doux. Le ton est à la légèreté un peu forcée, à l’ironie, mais la nostalgie n’est jamais loin, et l’émotion contenue. Loïc Corbery incarne Louis comme s’il n’était déjà plus tout à fait là, déjà plus au présent, davantage dans le passé, en partance, et au final incapable de délivrer son message. Clément Hervieu-Léger dessine autour de lui comme une chorégraphie, tous les personnages circulant et se côtoyant sur le plateau, l’habitant totalement, en imprimant chacun sa marque. Dans cette interprétation chorale, tous sont solidaires et chacun est parfaitement incarné : Audrey Bonnet, saisissante, et aussi, notamment, Nada Strancar, Vincent Dissez, Louis Berthélemy, Stanley Weber qui font circuler l’amour, le désir, entendre la sourde mélancolie de la vie glissée entre les phrases.
Le pays lointain * * *
Théâtre de l’Odéon, Place de l’Odéon, Paris 6e. Tél. 01 44 85 40 40. www.theatre-odeon.eu Jusqu’au 7 avril.