Une exposition retrace le parcours haut en couleurs de la grande illustratrice
C’est la première rétrospective consacrée à celle que Paul Éluard a appelé « l’imagière des poètes » : Jacqueline Duhême. Une exposition riche en couleurs, à l’image de son étonnant parcours. Sa vie ? On pourrait en faire un film… Naissance en Grèce (en 1927), rapatriement en France pour cause de guerre, en 1939, enfance ballotée, (elle connaitra le couvent, l’Assistance publique,…), la jeune Jacqueline Duhême sera élève de l’affichiste Paul Colin, mais c’est à 20 ans, à Nice, qu’elle sent sa vie basculer quand elle entre chez Matisse, le peintre qu’elle admire tant. C’est le début d’un parcours construit au bonheur des rencontres (et quelles rencontres !) toujours guidé par un désir, qui deviendra une nécessité : dessiner. Amoureuse d’Eluard, elle connaîtra Aragon et Elsa Triolet, Albert Skira, Claude Roy, Man Ray,… Plus tard, elle comptera Prévert parmi ses amis. Le poète la présentera à Hélène Lazareff, alors directrice du magazine Elle, qui l’engage en 1952 pour rejoindre son équipe. Elle y restera vingt ans.
Reporter-dessinatrice
L’œuvre de Jacqueline Duhême est indissociable de sa vie personnelle, riche en amitiés, en curiosité. Illustratrice de livres pour enfants (Grain d’aile d’Eluard, L’enfant qui attendait un train de d’Ormesson,…), peintre, aquarelliste, elle fut aussi journaliste. Pour Elle, elle sera la première dessinatrice-reporter : en 1961, elle accompagne Jackie Kennedy en Inde, en tire un livre, et dessinera un album souvenir du voyage à Paris de ses parents pour le jeune Caroline. Mais là ne s’arrêtent pas ses activités : de 1967 à 1981 elle est peintre cartonnier pour les tapisseries d’Aubusson, où ses créations (plus de 100 m2 au total) exaltent le paradis de la nature et des animaux façon douanier Rousseau. La dessinatrice a aujourd’hui 92 ans. L’œil toujours vif, la main toujours près de sa boite de pinceaux. Qui mieux qu’elle aurait pu dessiner sa vie ? C’est ce qu’elle a fait dans Une vie en crobards, paru chez Gallimard, son éditeur de prédilection, en 2014.
Une traversée du siècle en couleurs
Son œuvre aux multiples facettes a mis des couleurs sur les cinquante dernières années du XXe siècle. Connue dans le monde entier, on ne peut compter le nombre de ses dessins, des textes écrits, souvent à sa demande, et livrés « tout faits » comme le souligne Françoise Lévèque, commissaire de l’exposition. Le parcours de l’exposition est jalonné de panneaux aux couleurs pastel. Les vitrines mettent en parallèle les textes, les poésies, la musique (chansons de Prévert, L’Opéra de la lune, 1953,…) et les images : maquettes, croquis, dessins originaux, correspondances illustrées, photographies, albums. Son style personnel, son dessin précis, ses couleurs vives et fraiches, sa fantaisie y explosent. Prestigieux sont les auteurs qu’elle a illustrés : Eluard, Queneau, Prévert, Supervielle, Francis Jammes, Gilles Deleuze, Elisabeth Badinter… On remarque, ici, une lettre écrite de la Maison Blanche par Jackie Kennedy en1962, on redécouvre, là, Le livre des droits de l’homme pour lequel Robert Badinter l’avait sollicitée et on peut voir également un dessin animé La Rose et le radis, petit film d’une dizaine de minutes représentatif de l’univers poétique et naïf de la dessinatrice.
Jacqueline Duhême, une vie en couleurs * * *
Bibliothèque Forney, 1 rue du Figuier, Paris 4e. Tél. 01 42 78 14 60. www.bibliotheques-specialisees.paris.fr Entrée libre. Visite commentée et gratuite chaque samedi à 15 h. Jusqu’au 13 juillet.
Et à partir du 14 mai, Jacqueline Duhême, chemin de traverse à la Médiathèque Françoise Sagan,