Aux Bouffes du Nord, le dernier opus de Benjamin Lazar redonne une vie à l’œuvre de Marguerite de Navarre
Femme de lettres, Marguerite de Navarre (1492-1549), par ailleurs sœur aînée de François Ier, a laissé une œuvre poétique inachevée, et méconnue. Inspiré de sa découverte du Décaméron de Boccace, son Heptaméron (elle n’a pu aller au-delà de sept journées), publié en 1559 et demeuré inachevé, conte des aventures amoureuses rapportées par un groupe d’hommes et de femmes bloquées par des pluies diluviennes. Pour tromper le temps, les confinés racontent à tour de rôle des histoires galantes, tristes, voire tragiques, ou cruelles. Benjamin Lazar s’empare de ces Récits de la chambre obscure, ainsi qu’il les nomme, et tisse sur cette belle matière un spectacle baroque à sa manière qui redonne tout son éclat à l’écriture de Marguerite de Navarre, éclatante de rigueur, de classicisme et de poésie.
Un objet hétéroclite
Comme se déplaçant sur un échiquier du temps, les personnages ouvrent des trappes secrètes sur des histoires d’amour, celles de Marguerite de Navarre qu’ils entremêlent avec d’autres, plus actuelles ou prosaïques, contées par les lumineuses Fanny Blondeau et Malo de La Tullay, Geoffrey Carey s’égarant dans des digressions moins attrayantes. L’amalgame est le plus souvent heureux quoique parfois un peu lâche, ou évanescent. Il recèle néanmoins un charme certain dû au solide fil conducteur musical, et à l’incontestable qualité de l’interprétation des chanteurs des Cris de Paris dont les voix exaltent la souffrance d’aimer. Les contes d’amour et de mort s’accordent aux madrigaux de Claudio Monteverdi, Luca Marenzio, Benedetto Pallavicino, Carlo Gesualdo, Michelangelo Rossi et Biagio Marini remarquablement restitués. L’esthétique de la scénographie (Adeline Caron) est délibérément hétéroclite, sur fond de rideau de plastique pas du meilleur effet mais générateur d’effets visuels oniriques. Quelques imperfections ici et là, comme les défauts sur une pierre précieuse pour mieux en révéler la beauté.
Heptaméron * *
Théâtre des Bouffes du Nord, 37 bis, bd de la Chapelle, Paris 10e. Tél. 01 46 07 34 50. www.bouffesdunord.com Jusqu’au 23 février.
Les 1er et 2 mars à l’Opéra de Reims, 12 et 13 mars Théâtre de Caen, 18 et 19 mars, Trident à Cherbourg, 22 et 23 mars, Théâtre d’Angoulême, du 31 mars au 4 avril Théâtre de Liège.