François Morel ressort Raymond Devos du paradis des humoristes le temps d’un spectacle drôle, tendre et poétique. Le comédien reprend le spectacle pour lequel il a obtenu le Molière 2019 du comédien.
Il est des grands humoristes qui ne meurent pas, ou du moins leurs textes demeurent. Il suffit pour cela qu’un comédien leur redonne vie. Ainsi Jean Rochefort quand il fit un spectacle avec des sketches de Fernand Raynaud, ainsi aujourd’hui François Morel qui interprète des textes de Raymond Devos. Deux esprits sinon rien. Esprit Devos, es-tu là ? Assurément, il plane sur la soirée, avec en supplément, la touche François Morel, fantaisie et tendresse incluses. Il apparaît dans un bruit de tonnerre, Dieu (Saint-Pierre ?) descendu du ciel : « Quand Devos est arrivé au paradis, avec son costume bleu, son ventre rond,… » Et voici le clown à bretelles, disparu en juin 2006, revenu parmi nous. Dieu a créé le monde, peut-être, Devos, lui, a créé un univers. Où l’amour de la langue roucoulait avec l’absurde, où la folie était toujours douce, la philosophie à la portée de tous. Pas étonnant que François Morel, grand titilleur de la langue, aille musarder du côté de chez Devos, jongleur de mots par excellence.
Les pantoufles de Devos
Parfaitement équilibré, le spectacle est subtilement dosé et rythmé, drôle, poétique, là un moment chanté, ici un sketch réapproprié, ou encore des extraits sonores de Radioscopie comme en contrepoint, et l’apparition d’une marionnette de clown blanc. Du chien qui parle (Mon chien, c’est quelqu’un) à l’oie qui oit (Ouï dire), à l’interprétation de La truite jouée sur des verres remplis de whisky, Antoine Sahler, pianiste et complice affûté, accompagne François Morel et lui donne la réplique. Ils chantent Je hais les haies (« je hais les murs qui sont en nous »), interprètent A Caen les vacances ? mis en musique. Morel enfile les pantoufles de Devos (pas de doute, il s’en sert !), emboîte le pas, léger, aérien, du maître du non-sens, spécialiste des histoires à dormir debout et amoureux de la musique (ah, Sor ! ah, la scie musicale !…) qui parlait –déjà- d’essence et de ronds-points (Le plaisir des sens). Respectueux et fidèle admirateur, il s’efface, laisse Devos revivre dans la lumière. « C’est parce qu’on en fait trop, alors on oublie », dit-il. Impossible d’oublier ce beau moment.
J’ai des doutes * * * *
La Scala Paris, 13 bd de Strasbourg, Paris 10e. Tél. 01 40 03 44 30. www.lascala-paris.com Jusqu’au 5 janvier 2020.
. On peut retrouver les chansons du précédent spectacle musical de François Morel dans le livre CD La vie (titre provisoire) édité par E/P/A.