Vêpres de la vierge bienheureuse

Jean-Yves Ruf fait à nouveau entendre la parole d’Antonio Tarantino, avec Paul Minthe

C’est un homme sur un banc. A côté de lui, une urne. A l’intérieur, les cendres de son fils. Il ne sera pas nommé, c’est le fils, sans doute unique, de cet homme. Un fils au destin particulier : travesti, prostitué dans les rues de Milan. Le père avait accepté, la mère, non, qui continuait à l’invectiver. Aujourd’hui, le père attend le bus qui doit le ramener à la gare pour rentrer à Turin, à la maison, avec l’urne. Le temps de l’attente sera le temps d’un monologue, qui sera aussi un dialogue imaginaire, avec le garçon parti au royaume des morts. Lui reste à affronter « la commission des Grecs ». Alors, dans un dernier partage, le père va le préparer, lui donner des conseils, le guider et l’accompagner dans son ultime épreuve : la traversée du Styx. Puis, la rencontre avec les Grecs, de l’autre côté.

La langue de Tarantino

Après Passion selon Jean, en 2008, Jean-Yves Ruf met en scène cet autre volet de la tétralogie Quatre actes profanes d’Antonio Tarantino, disparu en 2020, avec à nouveau son interprète privilégié, Paul Minthe. Le comédien introduit d’entrée la tonalité juste, sur le fil de l’émotion retenue. « Fils, réponds-moi… » Sans jamais tomber dans le pathos, sans sentiment morbide ni déni de la réalité, l’adresse du père au fils est d’une dignité magnifique. Le texte de Tarantino est à la fois familier, tendre, doux, naïf, profondément humain, qui remet le fils dans la vie et l’accompagne dans le passage vers la mort. Tarantino, qui était également sculpteur, malaxe la langue dans un parler simple, familier et baroque que Paul Minthe s’approprie et traverse tout au long. Tout l’amour paternel est là, dans une ultime rencontre. C’est parfaitement accompli et très beau.

Vêpres de la vierge bienheureuse * * *

Théâtre du Rond-Point, 2bis, av. Franklin D. Roosevelt, Paris 8e. Tél. 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr Jusqu’au 30 octobre.

(Photo Alban Van Wassenhove)