Richard II

Au Théâtre des Amandiers de Nanterre, Micha Lescot impose un Richard II magnétique dans la mise en scène de Christophe Rauck. Reprise.

Le rôle est mythique : Richard II, de Shakespeare, joué par Jean Vilar lors du premier Festival d’Avignon, puis par Patrice Chéreau dans les années 70, en passant par la mise en scène de Mnouchkine, les plus grands metteurs en scène se sont affrontés au roi shakespearien et à son interrogation sur le pouvoir. Au tour de Christophe Rauck, directeur des Amandiers de Nanterre, de s’attaquer à la tragédie, après avoir monté la comédie Comme il vous plaira au Théâtre du Nord, il y a quelques années. Pour dire « la triste histoire de la mort des rois » selon Shakespeare, la traduction choisie est celle de Jean-Michel Déprats, que l’on entend dans toute sa poésie. Le vaste plateau de la salle provisoire des Amandiers accueille l’imposante scénographie d’Alain Lagarde, composée pour l’essentiel d’un rideau de tulle et de deux rangées de gradins mobiles face à face, représentation des différents lieux de pouvoir et autres espaces guerriers. Les noms s’affichent pour situer la scène : Westminster, Pays de Galles, Londres,… Lumières, costumes, musique (Sylvain Jacques) et vidéos composent un ensemble dynamique où se règlent les problèmes de succession et les conflits de pouvoir. Entrées et déplacements sont parfaitement réglés, l’essentiel du texte et de l’action étant centré sur le roi Richard, dans un équilibre entre les affaires politiques et le parcours intime.

Un « roi de neige »

Que dit-elle cette Tragédie du roi Richard II sinon les inconséquences et les dérives d’un roi fragile dont le pouvoir vacille, et qui n’est plus maître de lui-même ? Les changements de camp, les trahisons et les corruptions semblent des soubresauts au regard de la trajectoire du personnage. Tout s’intensifie dans la deuxième partie, se resserrant sur la déposition du roi. Micha Lescot interprète tout en nuances ces instants où il tergiverse et flanche, tour à tour enfermé dans son orgueil ou imprégné de mélancolie jusqu’à vouloir fondre tel « un roi de neige dérisoire ». La fin est proche, l’heure est au dépouillement, à son acceptation et, peut-être, à la rédemption. « Je donnerai mon vaste royaume pour une petite tombe. » Dans son costume immaculé soulignant sa silhouette longiligne, le comédien à la présence troublante et magnétique joue avec les cruautés et les ambiguïtés. Et avec tout cela, il fait entendre et résonner intensément la beauté des monologues (dont celui du cinquième acte, retransmis en gros plan), l’éblouissante poésie de la langue shakespearienne. Parmi la belle distribution, certains comédiens jouant plusieurs rôles, Thierry Bosc est Jean de Gand puis York, Eric Challier, Bolingbroke, Emmanuel Noblet, Aumerle, et Cécile Garcia-Fogel, la reine. Shakespeare servi en majesté.

Richard II * * *

Théâtre Nanterre-Amandiers, 7 avenue Pablo-Picasso, 92 022 Nanterre. Tél. 01 46 14 70 00. www.nanterre-amandiers.com Du 2 au 22 décembre.

(Photo Christophe Raynaud de Lage)