Prévert

Yolande Moreau et Christian Olivier créent un spectacle autour de Jacques Prévert. Pour faire le portrait d’un poète.

D’une rencontre presque de hasard est né ce spectacle en forme de cadeau. C’est à la suite d’une soirée organisée autour des collages de Prévert où étaient réunis Yolande Moreau et Christian Olivier pour dire et chanter des textes du poète, que ces deux-là décident de poursuivre l’aventure. Et voilà ce spectacle magnifique qui permet de réentendre la poésie drue, évidente, tendre, acide parfois, du grand poète Jacques Prévert et d’en dessiner un portrait en relief. Des phrases s’égrènent, aphorismes cocasses, savoureux (« J’aime bien mieux tes lèvres que mes livres ».. .), des images défilent de l’homme au mégot accroché au coin des lèvres… Les instruments de musique ont pris place sur la scène. Le spectacle peut commencer.

Arrangements musicaux

Parfaitement composé, le choix des textes est à l’image de la richesse de l’œuvre, textes connus (Le tendre et dangereux visage de l’amour) ou moins connus (sur Dieu, par exemple), chansons immortelles, textes surréalistes, ou engagés, à la flamme humaniste (Le petit bruit de l’œuf dur) qui trouvent une résonance actuelle : « On peut quand même pas tout leur prendre aux pauvres ». Christian Olivier, membre fondateur du groupe des Têtes Raides, a mis des textes en musique, signé des arrangements (certains nouveaux, comme pour Je suis comme je suis). Il chante de sa voix grave et chaude, seul ou en duo avec la comédienne, qui interprète des chansons ou dit des textes. Son interprétation de Adrien est vertigineuse : «Adrien fais pas la mauvaise tête, reviens… je t’aimais bien » et de faire naître un sentiment étrange et inquiétant, renouant avec son accent et appuyant, trainant sur les voyelles. Une présence unique.

Voyage au cœur d’une œuvre

Le grand plateau de la Salle Renaud-Barrault est entièrement habité par l’esprit du poète. L’humaniste Prévert est là, comme l’anticléricaliste, et l’anarchiste n’est pas oublié. Jeux de mots, histoires de rien, bouts de vie dérisoires, tout se mêle dans ce spectacle fluide, riche, généreux et libre comme l’était celui qui l’a inspiré et qu’il fait rudement bon entendre aujourd’hui. Le trio de musiciens est impeccable : Serge Begout à la guitare, Pierre Payan aux cuivres, clavier, à la scie musicale et pour les bruitages, et Scott Taylor à l’accordéon, aux cuivres et percussions. Yolande Moreau et Christian Olivier forment un duo fraternel et humain, chanteurs d’hier et d’aujourd’hui qui donnent des Feuilles mortes une interprétation bouleversante. Ils saluent l’assistance sur « Compagnons des mauvais jours, je vous souhaite une bonne nuit… Dormez/ Rêvez/ Moi je m’en vais ». Et de s’en aller, nous laissant les rêves d’un poète.

 

Prévert                            * * * *

Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris 8e. Tél. 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr Jusqu’au 10 février.

Tournée : Epinal le 19 mars, Lons-le-Saunier le 20 mars, Nevers le 21 mars, Caluire les 22 et 23 mars, Chenove le 3 avril, Bourg-en-Bresse les 4 et 5 avril, Portes-les-Valence le 23 mai, Grasse les 24 et 25 mai.