Nosztalgia express

Marc Lainé embarque dans une épopée mêlant roman d’espionnage et quête des origines sur fond d’histoire contemporaine

Tout à la fois thriller captivant, comédie mélancolique et spectacle musical, la dernière mise en scène de Marc Lainé (Vanishing point, Nos paysages mineurs) adopte la forme d’une enquête sur les traces d’une disparition, menée par un curieux détective. Sur quoi repose la mémoire ? De quoi se constitue-t-elle ? De souvenirs réels ? D’inventions ? N’est-elle qu’une fiction ? C’est en préambule les questions posées par Victor Zellinger, détective privé retraité, qui vient nous raconter, des années après, une histoire dont il a été le témoin et qui continue à le hanter : l’affaire Simone Valentin. Qu’était devenue cette femme, qui prit un matin de novembre 1956, un train pour Strasbourg avec son fils et, après une conversation avec un mystérieux inconnu entré dans leur compartiment, laissa son garçon de dix ans, seul sur le quai de la gare de Reims ? Onze ans plus tard, on retrouve le garçon, Danny Valentin, devenu une vedette yéyé, dans un studio d’enregistrement. Le chanteur traverse une phase difficile. En panne d’inspiration, déprimé grave, il est devenu accro aux pilules et à l’alcool. Inquiet, son impresario engage le détective Victor Zellinger pour retrouver sa mère… Après une séance d’hypnose, l’homme échafaude des hypothèses qui, pour être vérifiées, conduisent toute l’équipe en direction de l’Est, plus précisément en Hongrie où, peut-être, Simone serait devenue espionne…

Un roman d’espionnage 

Nous voici transportés à Budapest, où l’équipe essaye d’organiser un concert dans la Hongrie autoritaire de 1967. Où va mener l’enquête ? Quelle va être la suite de l’histoire ? Caricatures d’espions au temps du rideau de fer, reconstitutions de décors, costumes kitsch, l’enquête a l’allure d’un roman-photo de l’époque, avec ses personnages stéréotypés (détective, impresario, fan amoureuse de son idole) et son atmosphère, aussi bien dans le studio d’enregistrement que, à l’Est, son hôtel tendance The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson. Scénographe habile, Marc Lainé embrasse tout, l’histoire, les personnages, dont certains semblent sortis d’un dessin animé (excellent Thomas Gonzalez), et même le rythme qui prend le tempo d’une époque révolue. Le charme rétro est assuré et la narration prenante sur fond d’histoire contemporaine. Les interprètes sont au diapason : Olivier Werner, dans le rôle du détective, a des allures de Gary Grant, Léopoldine Hummel est parfaite dans celui de la mère indigne qui revient hanter les rêves de son fils, Emilie Franco, la groupie, François Praud, Danny, et aussi François Sauveur et Alain Eloy.

Nosztalgia Express       * *

Théâtre de la Ville-Les Abbesses, 31 rue des Abbesses, Paris 18e. Tél. 01 42 74 22 77. www.theatredelaville-paris.com Jusqu’au 23 juin.