L’expérience de l’arbre

Un spectacle de Simon Gauchet comme une expérience singulière, entre tradition théâtrale et écologie

Simon Gauchet aime les aventures hypothétiques, comme la performance du Musée recopié en 2016 à Rennes ou celle qui l’a conduit en radeau à la recherche de l’île d’Utopie (cf. La grande marée). Déjà, en 2008, désireux d’approfondir sa connaissance du théâtre asiatique, il avait entrepris un voyage en Indonésie, puis au Japon. Là-bas, il rencontre le fils d’un maître du théâtre Nô, acteur lui aussi, qui lui a transmis les bases de cet art ancestral. Dix ans après, à l’occasion d’une résidence à la Villa Kujoyama, Simon Gauchet a créé ce spectacle atypique, beau comme un poème, fil tendu entre l’Orient et l’Occident : L’expérience de l’arbre. Car au Japon, au commencement du théâtre, il y avait un arbre sur la scène, un pin, face auquel les acteurs jouaient. Cet arbre était le lien entre la terre et le ciel, les Hommes et les Dieux. Aujourd’hui, l’arbre est représenté sous la forme d’une peinture, comme un témoin : «L’arbre garde la mémoire des hommes dans notre théâtre». 

Entre transmission et cérémonie

Simon Gauchet a beaucoup appris de son passage au Japon, et beaucoup retenu de l’art et de la fonction du théâtre Nô, la plus ancienne forme de théâtre. Des échanges entre les deux acteurs sur le travail de la voix selon Tatsushige Udaka (en alternance aec Hiroaki Ogasawara), l’art du masque ou encore celui de l’éventail, et les références théâtrales de Simon Gauchet (Antonin Artaud, Tête d’or, de Claudel,…), le spectacle opère un glissement subreptice vers un message écologique. Sur le plateau, des vestiges d’arbres morts rappellent les arbres couchés, abattus par les typhons comme celui de 2018, et le tsunami de 2011 dont un unique pin est resté debout au sein d’une forêt de 70 000 arbres déracinés. Son tronc commençant à pourrir, il a été découpé en neuf morceaux afin d’injecter de la résine dans ses veines pour l’ériger à nouveau. Et le metteur en scène de se lancer dans la reconstruction d’un arbre pour le tenir debout. Tout un symbole. La musique de Joaquim Pavy, partie prenante du spectacle, les lumières, tout s’agrège pour réveiller et perpétuer les fantômes du théâtre dans cette aventure entre transmission et cérémonie. Spectacle à suivre en tournée.

(spectacle vu au Paris-Villette en novembre 2023)

L’expérience de l’arbre           * * *

Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence, 19 et 20 mars, Théâtre municipal de Saint Lô, 14 mai.

(photo Louise Quignon)