Le Firmament

Au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, Chloé Dabert met en scène une pièce de Lucy Kirkwood

Lucy Kirkwood. Son nom a fait son entrée sur la scène française cet automne, avec Les Enfants, mis en scène au Théâtre de l’Atelier par Eric Vigner. De l’auteure britannique de 38 ans, on découvre maintenant Le Firmament, pièce de 2020, traduite par Louise Bartlett et mise en scène par Chloé Dabert, directrice de la Comédie de Reims où elle l’a créée. Le texte transporte dans l’Angleterre de 1759, alors que la population attend le passage de la comète de Halley. Dans une petite ville de province, la population est sous le choc à la suite d’un drame horrible : le meurtre sauvage d’une fillette, enfant d’un couple aisé. Le couple de coupables est arrêté. L’homme est pendu, sa maîtresse, une jeune domestique épouse d’un paysan, est condamnée à mort. Mais elle déclare être enceinte, un jury doit se réunir pour vérifier son état, savoir si elle peut « plaider le ventre » et voir sa peine commuée en exil. La pièce de Kirkwood associe les thèmes de la domination sociale et de l’obscurantisme d’un monde rural pétri de superstitions, la question centrale étant celle du corps féminin soumis à la loi masculine. Après une brève scène d’exposition et quelques séquences vidéo montrant la répétition des tâches ménagères, place à la composition du jury.

Une humanité rude

Si la pièce rappelle bien évidemment le célèbre Douze hommes en colère, de Reginald Rose, l’on est ici dans l’Angleterre du XVIIIe siècle et les jurées sont des femmes, essentiellement des ménagères obligées de délaisser leurs tâches le temps de la réunion. Place au huis clos. La porte se referme sur le jury composé de douze femmes plus une accoucheuse, retenues « sans nourriture, boisson, feu ni chandelle » et sous la surveillance d’un huissier. La scénographie comme les images vidéo de Pierre Nouvel illustrent l’univers de ces femmes, les gestes, le travail quotidien, la nature, dans une société dominée par les hommes où l’on croit encore aux histoires de diable et à l’hystérie féminine. De Lizzy (Bénédicte Cerutti) à Sally (Andréa El Azan), Mme Cary, la présidente du jury (Marie-Armelle Deguy) ou encore Judith (Océane Mozas), Kitty (Coline Barthélémy), les treize comédiennes, remarquables, réunies par Chloé Dabert forment un groupe aux sensibilités rugueuses fluctuant au fil des rebondissements. Cette humanité rude, brute, est rigoureusement orchestrée et restituée sur le plateau dans une mise en scène et une interprétation d’une densité impressionnante.

Le Firmament                    * * *

TGP, 59 bd Jules Guesde, 93 200 Saint-Denis. Tél. 01 48 13 70 00. www.theatregerardphilipe.com Jusqu’au 19 novembre. Tournée : 1er décembre, Tarbes ,10 et 11 janvier 2023, Bayonne, 25 et 26 janvier, Angers, 2 et 3 février, Chalon-sur-Saône, 8 et 9 février, Caen, 1er et 2 mars, Valence.

(Photo Victor Tonelli)