En travers de sa gorge

Au Rond-Point, Marc Lainé entraîne aux portes du fantastique

Un décor de salon, un paysage de falaises du Vercors, un écran suspendu, et des rails sur lesquels se déplace une caméra… et aussi une maquette de la maison. On reconnaît bien là la signature de Marc Lainé, scénographe et metteur en scène qui aime à croiser la scène et l’image. Avec ce dispositif, son savoir faire est ici une nouvelle fois parfaitement démontré. Au service de quoi ? Sur scène, donc, Marianne Leidgens, réalisatrice en panne d’inspiration que vient rencontrer une jeune femme envoyée par son producteur pour l’aider à finaliser le scénario. Elle reviendra quelque temps plus tard alors que Marianne n’est pas remise de la disparition brutale de son mari, dont le corps n’a pas été retrouvé. L’histoire avance alors à coups de retours en arrière, où l’on découvre que les rapports de couple n’étaient pas toujours harmonieux… Difficile de ne pas penser à Anatomie d’une chute, mais la création de la pièce remonte à 2022, à la Comédie de Valence que dirige Marc Lainé. Faute d’ambigüité, l’intérêt du début se dissipe au fil des scènes, malgré un ressort de taille : Marianne reçoit un appel de son mari. Qui se cache derrière cette voix ?

Théâtre et cinéma

S’il est un lieu où les spectres peuvent apparaitre, c’est bien la scène théâtrale. Ainsi les personnages du Spectre chez Hamlet, du Commandeur chez Don Juan… Ici, Marc Lainé franchit  une étape supplémentaire en faisant ressurgir un disparu sous l’apparence physique d’un inconnu : c’est Mehdi, un « artiste mediumnique ». Marianne veut le rencontrer. Imposteur ? Charlatan ? Ou réel phénomène de possession ? Marc Lainé croise alors encore plus intimement théâtre et cinéma pour donner à voir les dédoublements du personnage. A coup de circonvolutions, à l’ombre de Faust, personnage du scénario de Marianne, le texte avance par séquences dignes d’un sitcom pour la télé jusqu’au rebondissement final. La technique est parfaitement maitrisée, tout comme les lumières, vidéo, musique et son. L’interprétation joue à fond la carte du fantastique : Marie-Sophie Ferdane, présente à chaque instant, lumineuse, Bertrand Belin, ténébreux, presque inquiétant, Yanis Skouta, mystérieux.

En travers de sa gorge     * *

Théâtre du Rond-Point, 2bis, avenue Franklin D. Roosevelt, Paris 8e. Tél. 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr Jusqu’au 16 mars. Tournée : Théâtre de Lorient, 20 et 21 mars, Espace des Arts, Chalon-sur-Saône, 4 et 5 juin.

(photo Christophe Raynaud de Lage)