Barbe-Bleue

Evènement : créée en 1977, l’œuvre phare de la chorégraphe allemande est reprise au Théâtre du Châtelet avec le Théâtre de la Ville hors les murs  

« En écoutant un enregistrement sur  bande magnétique de l’opéra de Béla Bartok Le château de Barbe-bleue – une pièce de Pina Bausch », tel est l’intitulé exact du ballet de la grande chorégraphe allemande créé en 1977 à l’opéra de Wuppertal et présenté pour la première fois en France, au Théâtre de la Ville en 1979. Depuis la disparition de Pina Bausch en 2009, sa compagnie continue de jouer ses créations. Fidèle au Théâtre de la Ville, encore en phase de travaux, la compagnie du Tanztheater Wuppertal est accueillie au Théâtre du Châtelet pour ce Barbe-Bleue d’exception. Une œuvre à couper le souffle, bourrée de violence et d’émotion, qui a choqué en son temps et qui n’a rien perdu de sa force. Sur la scène jonchée de feuilles mortes (décor de Rolf Borzik), Judith, sa nouvelle femme, pénètre dans le château de Barbe-Bleue et lui demande d’ouvrir toutes les portes pour faire entrer la lumière. Point de départ d’une lutte amoureuse où aucun ne veut abdiquer. Le couple s’aime et s’affronte, les corps s’attirent et se repoussent. Au centre du plateau, un grand salon entouré de portes, est installé un magnétophone sur roulettes manipulé par le danseur : la diffusion de l’opéra de Bartok est interrompue, relancée, rembobinée, rejouée.

Des rapports violents

Magnétophone et musique sont totalement intégrés à la chorégraphie, la répétition de la partition accompagne la répétition de la chorégraphie : élans, sauts, duos, envolées,… Dans cette pièce des débuts de la chorégraphe, les rapports homme-femme sont dénués d’amour, ils sont violents, agressifs, voire sadiques. La femme tend les bras mais elle n’est qu’un objet de domination et de possession physique, l’homme est un prédateur, même si parfois moqué quand il montre les muscles. Pas de lumière, tout est sombre au château de Barbe-Bleue. Et si les ébats sont vifs, parfois presque joyeux, cela ne dure pas. L’incommunicabilité, la sauvagerie condamnent toute tendresse. Judith n’y résistera pas, et le désespoir de Barbe-Bleue n’y changera rien. Comme toujours chez Pina Bausch, danseurs et danseuses habitent splendidement l’espace, à terre parfois, assis, accrochés aux murs, s’allongeant les uns sur les autres… Un moment, les femmes s’enveloppent dans un drap blanc pour être enfermées et voleter comme des papillons pris au piège. En une image, tout est dit sur le corps de la femme dans sa liberté confinée, comme sur les rapports impossibles. La chorégraphie enchaîne les pulsions, sans répit, envoûtante, et la troupe est exceptionnelle. 

Barbe-Bleue                             * * * *

Théâtre du Châtelet, 1 place du Châtelet, Paris 1er. Tél. 01 42 74 22 77.

www.theatredelaville-paris.com www.chatelet.com. Jusqu’au 2 juillet.

(Photo Christian Clarke)