Au Théâtre de la Bastille, reprise du spectacle de Nicolas Bouchaud. Un seul en scène brillant.
Après La loi du marcheur, Un métier idéal et Le Méridien, revoici Nicolas Bouchaud dans un de ses Seul en scène où il excelle, écrit avec ses complices Eric Didry et Véronique Timsit. Seul, mais en compagnie et en connivence littéraires avec Thomas Bernhard. Du roman Maîtres anciens, le comédien s’attache au sous-titre : comédie, fil tenu tout au long de ce monologue intérieur. « Je suis par nature un détestateur de musée », et pourtant le vieux critique musical Reger vient chaque jour s’asseoir sur une banquette face au tableau du Tintoret, L’homme à la barbe blanche. Et de se lancer dans une anti-conférence sur l’art , « rien que fausseté et mensonge », assène-t-il. La logorrhée tient du jeu de massacre envers les intellectuels et les artistes. Sarcastique, il tire à vue sur les écrivains, les philosophes et les artistes, s’en prend aux maitres anciens –Beethoven, Véronèse, Bach, Heidegger,…- qui pourtant « nous tiennent en vie ». Eloge de l’imperfection et du défaut dans le tableau, traité d’une esthétique propre à l’auteur, de coq-à-l’âne en diatribes, le texte ressasse et se renouvelle : « Je pense donc je vis ». Dans une mise en scène qui laisse place à l’imaginaire -pas de tableaux, du simple papier kraft tendu, deux tabourets en bois-, Nicolas Bouchaud ne dit pas simplement le texte, il l’empoigne, le vit, roule et déroule son écriture musicale, en joue et s’adresse à chacun des spectateurs. En lien avec la salle, il lui transmet ce travail de démolition du prêt-à-penser, l’engage à le suivre. Libérateur et formidablement vivifiant.
(lejdd.fr 8 décembre 2017)
Maîtres anciens * * *
Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette, Paris 11e. Tél. 01 43 57 42 14. www.theatre-bastille.com Jusqu’au 30 juin.
(Photo Jean-Louis Fernandez)