Au Théâtre de la Colline, Yasmina Reza met en scène sa dernière pièce
Le titre interpelle… James Brown ? Des bigoudis ? Téléscopage d’un symbole de virilité, celle incarnée par une idole des seventies, et d’un objet féminin obsolète. De quoi aiguiser la curiosité des amateurs de théâtre et des lecteurs de Yasmina Reza. Mais à l’arrivée, point de James Brown. En lieu et place de vedette : Céline Dion, ou plus exactement un jeune homme se prenant pour la chanteuse québécoise. Car dans ce dernier texte, revenant sur un chapitre d’un livre précédent, Heureux les heureux, Yasmina Reza tourne autour de la question de l’identité, et de la différence. Pourquoi, comment Jacob Hutner, le fils de Lionel et Pascaline, en est-il venu à s’identifier à la chanteuse québécoise ? Pourquoi un autre, Philippe, blanc de peau, se voit comme noir ? L’identité n’est pas celle que l’on perçoit, et bien malin qui pourrait la deviner, la cerner. Accepter la différence, donc, la respecter, ou l’enfermer. C’est ainsi que les parents de Jacob se sont résolus à le « placer » dans une « maison de repos », où ils lui rendent visite. Le sujet pourrait questionner, être douloureux. L’auteure choisit de rester dans le registre de la comédie acerbe, et l’on retrouve sa marque dans la projection des personnages, leur dessin jusque dans leurs petits ridicules, pointés avec ironie, ou bien réduits à des caricatures : le couple de parents, Jacob, comme son copain Philippe et la psy, version déjantée en trottinette.
Un plateau trop grand
Tous semblent un peu perdus sur le vaste plateau et dans l’écrasante, quoique minimaliste, scénographie d’Eric Soyer. Ce que le texte laisse dans le flou, la mise en scène le survole, laissant les personnages comme abandonnés, définitivement seuls. Sans doute un regard extérieur aurait-il cherché à explorer davantage de directions, de souterrains, voire de mystères. On reste à la surface du sujet, et des personnages, que les comédiens, talentueux et brillants, ne parviennent pas à incarner. L’auteure a pourtant réuni ses fidèles interprètes : Josiane Stoléru, André Marcon, Micha Lescot (avec, à l’occasion, quelques rouleaux dans ses cheveux longs), Christèle Tual, et Alexandre Steigner. Un quintette virtuose, qui devrait trouver son tempo au fil des représentations. Les scènes se succèdent, dégageant un sentiment de vide, malgré la présence du musicien Joachim Latarjet accompagnant les changements de scène.
James Brown mettait des bigoudis *
Théâtre de la Colline, 15 rue Malte-Brun, Paris 20e. Tél. 01 44 62 52 52. www.colline.fr Jusqu’au 15 octobre. Au Théâtre Marigny à partir du 27 mars.
(photo Ann Ray)